L’entorse de cheville est la pathologie la plus courante. En effet, elle représente 6 millions d’euros de dépense publique. L’accès direct pour les kinésithérapeutes est primordiale pour plusieurs raisons. Ainsi, l’accès direct permet de soulager et désengorger les services hospitaliers d’urgence et les cabinets de médecine de ville. En outre, l’accès direct de l’entorse de cheville permet un prise en charge et une rééducation beaucoup plus rapide. Or, plus une prise en charge est précoce, meilleure sera la récupération du patient. Enfin, l’accès direct de l’entorse de la cheville va permettre une uniformisation des pratique de la prise en charge de l’entorse de cheville.
La conduite à tenir lors de l’accueil d’un patient avec entorse de la cheville en cabinet kinésithérapique
Dans un premier temps, à travers le bilan, l’important est de savoir identifier ce qu’on appelle les « raids flags » ou drapeaux rouges en français. En effet, il s’agit de signaux d’alerte permettant de mettre en évidence des éléments dans le bilan. Ces signaux vont permettre de rediriger vers les urgences où les médecins de ville. En conséquence, l’accès direct a un rôle principalement de triage. Sans la connaissance de ces éléments pour effectuer ce « triage », il n’est pas possible de légitimer cet accès direct en toute sécurité. Ainsi, ces drapeaux rouges sont mis en évidence lors de l’analyse du bilan. En effet, le kinésithérapeute n’aura pas le même comportement chez un patient ayant subi un mécanisme lésionnel à haute densité de type chute de cyclomoteur, par rapport à une personne ayant trébuché sur un trottoir. De la même manière, l’approche sera différente entre une personne âgée, plus à risque de fracture, qu’un adolescent. Il en va de même pour une personne suivant un traitement médicamenteux ou ayant une maladie rhumatismale, ou un cancer avec de nombreuses récidives d’entorses. De sorte que ce sont des circonstances qui doivent alerter le praticien.
Dans un deuxième temps, il y à l’observation. Ainsi, visuellement, s’il y a une déformation, en comparaison d’une cheville dans l’axe, nous sommes face à un drapeau très rouge, très foncé. Dans ce cas le kinésithérapeute ne doit pas y toucher et doit rediriger son patient vers un établissement de soin médical.
De la même manière, s’il y a une plaie, des signes de phlébite ou une fragilité globale de l’individu, une fois ces éléments mis en place et avant de mettre en place directement des tests cliniques, il se situe une partie importante de l’observation : les critères d’Ottawa.
Les critères d’Ottawa et leur utilisation dans l’accès direct
Ces critères d’Ottawa ont été décrits par Stiell dans le début des années 90. Or, ils sont primordiaux à connaître et à appliquer dans un cabinet de kiné. Premièrement, l’un des critère est l’incapacité de mise en charge et de réalisation de quatre pas d’affilée. Deuxièmement, une sensibilité au sol sur l’extrémité distale de la partie postérieure de la malléole latérale sur les 6 cm bas. En outre, il en est de même pour la malléole médiane. Pourquoi sur la partie postérieure ? Parce que les ligaments lésionnels dans l’entorse de cheville sont insérés majoritairement sur la partie antérieure. En effet, cette partie antérieure est systématiquement douloureuse. Ainsi, cela n’en fait pas une zone discriminatoire et ne signifie pas qu’il y a une fracture. Enfin, les deux derniers critères sont une sensibilité osseuse à la palpation du naviculaire et de la base du 5e. A la fin des années 90, avec les critères de Chicago, ont été ajouté une sensibilité à la palpation sur les crêtes tibial et fibulaire. Pour finir, il convient d’ajouter un dernier critère : le « GUT instinct » correspondant à un ressenti presque intuitif du thérapeute : intuitions, sentiments d’incohérences sont ainsi à prendre en compte.
Utilisation des critères d’Ottawa et données scientifiques internationales.
Les critères d’Ottawa sont des tests sensibles quasiment à 100%. Or, cela signifie que si une kinésithérapeute n’observe aucun critère positif, alors il peut être sûr à quasiment 100% que son patient n’a pas de fracture. Donc il peut travailler en sécurité. Suite à une étude publiée sur plus de 2300 patients, il est apparu une réduction de 30 % des prescriptions de radiologie pour la cheville et de 15% pour le pied. Et surtout, une diminution par deux du temps passage des patients aux urgences. En outre, leur utilisation dans le domaine sportif montre des résultats encore plus impressionnants, avec près de 50% de radiologies inscrites en moins dans les structures sportives. Ensuite, on peut se demander si leurs applications cliniques dépend du métier du praticien. Or, une étude a comparé l’application des critères d’Ottawa par des physiothérapeutes et des chirurgiens orthopédiques et elle a retrouvé une reproductibilité inter-examinateurs égal à 100%. De surcroit, les chirurgiens et les physiothérapeutes ont trouvé exactement la même chose. Donc une compétence similaire de triage. En outre, Berckemkamp s’est intéressé en 2017 de la même manière à l’application de ces critères d’Ottawa aux urgences. Ainsi, il a testé la reproductibilité avec les infirmiers, kiné et médecins. Or, il a retrouvé les mêmes résultats.
Les données scientifiques en France sur l’accès direct de l’entorse de cheville
En 1997, une étude a été réalisée à l’AP-HP dans les hôpitaux de Paris. Cette étude a mis en lumière que pour une entorse de cheville, une radiologie était réalisée de manière quasi systématique. Alors l’étude a pris un groupe contrôle et a pris un groupe utilisant ces critères d’Ottawa. Or, l’étude a constaté que les médecins avaient prescrit 22% en moins de radiologie en utilisant ces critères. Mais le plus intéressant a été de constater qu’après cette étude, tous les médecins ont commencé à utiliser ces critères. Ainsi, on a observé une diminution globale de -15% des radiologies utilisées à la suite d’une entorse de cheville. Pour compléter, une étude publiée en 2008, à la suite d’un auto-questionnaire donné aux médecins des Bouches du Rhône, s’est intéressée à l’application de ces tests dans le sud de la France. Or, l’étude a mis en lumière que seulement 20% des médecins connaissent les critères d’Ottawa. De surcroit, sur ses 20% uniquement, seulement 20% les utilisaient. Et ce, certainement par manque de temps. En réalité, les praticiens connaissant ses critères, et qui les appliquent, prescrivent deux fois moins de radio pour les entorses de cheville.
En résumé sur l’accès direct de l’entorse de cheville par les kinésithérapeute
Nous avons vu que ces tests sont sensibles qu’elle que soit la profession. Malheureusement, ils ne sont pas toujours appliqués en France.
Pour conclure, l’accès direct a, avant tout, un rôle primordial de triage, d’exclusion. Ainsi, personne ne blâmera une praticien parce qu’il fait une radio en trop à son patient. En revanche, on peut en vouloir à un praticien parce que, trop confiant, il ne fait pas une radio. Et ainsi, il passe à côté d’une fracture trois semaines, voire mois, après. Or, pour ça il faut avoir une bonne connaissance des reds flags, donc des critères d’Ottawa. Enfin il est important d’avoir conscience qu’il n’y a pas de pertinence à réaliser les tests cliniques à J0. Nul besoin de savoir si le faisceau antérieur est touché par rapport au faisceau moyen, ou faisceau postérieur. Ainsi dans les 4 ou 6 premiers jours, les comportements sont identiques dans la thérapeutique.
D’une manière générale, et pour bien appréhender cette prise en charge en accès direct de l’entorse de cheville du patient, nous vous conseillons de suivre la formation sur l’accès direct de l’entorse de cheville dispensée par Santé Formation. Cette formation est en e-learning et prise en charge au titre du FIF-PL.